On pourrait commencer par le proverbe «Charité bien ordonnée
commence par soi-même», mais il faudrait le détourner avec un rien d'ironie: faisons nous-mêmes le ménage de nos vies avant d'en livrer les clés aux institutions, ne fermons pas les yeux sur le silence qu'elles entretiennent, regardons la vérité, même de biais s'il le faut.
Documentaire kafkaïen. Sa vie, Pia, vieille femme née d'une Italie affamée, à peine sortie de la guerre, la récite de profil, le regard lointain, à la recherche d'un point sur l'horizon, essayant encore et encore de rejouer la scène: celle de son père, veuf et pauvre, vendant en 1952, et pour quelques lires, son frère et sa soeur, partis depuis pour une destination inconnue, supposée être les Etats-Unis, avec l'assurance de leur retour, à l'âge de 18 ans. Ils ne reviendront jamais. Fin de la famille biologique et début de ce documentaire kafkaïen, à la fois Voyage en Italie hypocrite et récit d'Ellis Island. Italie hypocrite, puisque ces enfants étaient des grains de sable pris dans une machine économique et diplomatique, la POA (oeuvre pontificale d'assistance), institution caritative destinée à renforcer, par adoptions interposées, les liens entre l'Italie de Pie XII et l'Amérique, élément carnivore d'une sorte de plan Marshall. Le film n'hésite pas à qualifier ce trafic d'enfants d'«autodafé papal». Face à ses questions, Pia ne trouvera que le silence obtus d'une Eglise, Mafia amnésique, désolée, sourde. De ces enfants, l'Italie et l'Eglise on