A la répétition, disait-on, elle était d'humeur exé-crable, laissant
entre les chansons échapper des soupirs: «C'est pas un métier» et autres «si on change pas tout, tout le temps, c'est pas amusant». Pantalon noir sur talons hauts, corsage noir échancré, veste longue. Quatre heures plus tard, l'épreuve du feu. Juliette Gréco s'applique pour les nouvelles chansons de l'album avec Jean-Claude Carrière. Quand elle a un trou, elle tape du pied, se frappe même la hanche, comme on frapperait un animal de trait. Parfois il se crée des conciliabules sur scène, entre son pianiste-mari-musicien et son arrangeur. Une fois le gros du travail effectué, on la sent pressée d'en finir. Et toujours l'humour pour dompter la peur: «C'est pas la peine que je chante ce soir, j'ai déjà chanté.»
Six ans d'absence. L'Odéon, c'était un défi supplémentaire pour celle qu'on n'a plus vu à Paris depuis six ans. Endroit d'innombrables batailles esthétiques, Hernani, les Paravents, les occupations de Mai 68, mais surtout le seul grand théâtre de Saint-Germain-des-Prés, le quartier de sa folle jeunesse, où elle n'avait jamais chanté. A 20 heures, c'est plein à craquer (les cinq jours affichent complet). Public composite, ici et là des couples sont venus avec leurs enfants «pour qu'ils voient Gréco».
Gréco, comme la Duse.Alors que le petit orchestre accordéon, guitare, basse, batterie vient de s'installer dans un jazz gentil, elle arrive. Dans une robe néo-Fortuny de velours noir qui ne dégage que les mains,