Estepona (Andalousie), envoyé spécial
Ce type-là a certainement un pouvoir sur le temps qui passe. A 91 ans, il a beau tirer comme un pompier sur ses cigarillos et siroter sans soif du Havana Club «le seul rhum qui vaille» , l'homme semble tremper dans un éternel bain de jouvence. Avec son maillot jaune-plage collé au buste, les bras qui se balancent en accordéon, l'oeil humecté dans l'attente d'un nouveau plaisir, et ce chapeau feutre que vous ne lui ferez pas ôter, Compay Segundo a l'air d'un papy histrion qui se joue des malices de la décrépitude. Il vient de finir d'enregistrer son nouveau disque, Calle Salud, en référence à son adresse dans la vieille Havane, et il a l'air frais comme un jeune homme dans ce studio enchanteur perdu dans un vallon d'Andalousie, une sorte d'hacienda retranchée de l'activisme vacancier de la Costa del Sol. A côté de lui, ses quatre musiciens (dont son fiston Salvador à la contrebasse), ont l'air groggy après de longues semaines de détails techniques à régler et d'arrangements à parfaire. Serait-ce les effets du rhum? Lui, semble emporté par un tourbillon euphorique. Il faut le voir se déhancher sur son siège, à l'écoute des morceaux mis en boîte. Aux premiers cliquetis des claves suivis de la mélodie pincée de son armonico, cette guitare à cinq cordes qu'il a lui-même confectionnée, le voilà comme transporté dans un de ces bars de Santiago de Cuba, où il fit ses premières armes. Compay tape des mains, mime la scansion en contretemps des