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Libération

Jancsó, réjouissante jouvenceA 78 ans, le cinéaste hongrois bouleverse son style.

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publié le 30 juin 1999 à 23h01

Budapest de notre correspondante

Méfiez-vous de cet air angélique, de ce sourire de moine jovial que l'on imagine plus affairé à épousseter ses bouteilles que ses missels. Des cisterciens qui l'ont éduqué, il se souvient du supérieur qui disait: «Les langues étrangères, ça s'apprend au lit.» Derrière la porte de sa véranda ornée d'une délicate fontaine en faïence, il se tient tout humble, tout affable, et dit qu'il est vieux. D'ailleurs, il n'a pas souhaité voir son dernier film concourir à Berlin, ni à Cannes, ni à Budapest, parce que les festivals sont faits pour les jeunes, pas pour les «vieux canassons» comme lui. Mais le rire cristallin en cascade, l'oeil vif et le verbe clair démentent ses 78 ans. «Ördöge van» («il y a du diable en lui»), disent les Hongrois d'un être suprêmement malin et fortuné. Assurément, il y a du diable en Miklós Jancsó, chez qui les années semblent s'accumuler dans le sens de la soustraction.

Il s'excuse presque de son dernier film écrit avec son fidèle ami Gyula Hernadi, «une bêtise», s'esclaffe-t-il. Mais Le Seigneur me donna la lumière à Budapest est un diamant étincelant de drôlerie et de légèreté, à l'affiche depuis quatre mois. «C'est le meilleur film qu'il ait fait depuis deux décennies; Jancsó a rajeuni de dix ans!» s'étonne le critique György Baron. Dans un premier scénario, Dieu le Père envoyait saint Pierre et son téléphone portable sur terre pour mettre un peu d'ordre dans cette fichue pagaille.

Agaçant de bonheur. Marcello Mastroianni