Dans une brasserie de quartier en face de la gare de l'Est, deux
platines et leurs enceintes sont installées sur des tables en Formica. Les habitués intrigués sirotent leurs demis au comptoir pendant que Daddy J, la vingtaine nerveuse, chauffe la salle, crache sur son micro des dédicaces en anglais en présentant les disques joués par son selector (disc-jockey): des vinyles de Mr. Vegas, du cyber-reggae, et la version ragga de Lost Ones de Lauryn Hill (figure fédératrice de la scène groove planétaire). Pour Daddy J, jouer dans un bar colle avec l'esprit raggamuffin (débrouillard): trouver par tous les moyens des lieux pour promouvoir son reggae et son propre sound-system (système de sonorisation et rassemblement de passionnés). Depuis un an, les nouveaux acteurs de la mouvance reggae française s'ingénient à sortir leur musique de son ghetto, la scène s'ouvre et s'organise, les lieux et les soirées se multiplient (lire ci-contre). Et le public, privé de soirées rap à cause de trop nombreux débordements, est de plus en plus nombreux au rendez-vous, et sensible au message fédérateur de Pierpoljak ou Sinsemilia, dont les clips sont en rotation à la télévision. En ce début d'été, l'album le plus attendu était celui de Big Red. Et l'ancien membre de Raggasonic est à la hauteur des espérances: Big Red-emption (Source/Virgin), premier coup d'essai en solitaire, propose une impeccable synthèse des courants qui traversent la scène française et lui fait faire un pas en avant. Grâce au