Chili, envoyé spécial.
Au-dessus du bureau de Fernando Gonzalez, directeur du Théâtre national à Santiago, on reconnaît une photo d'Antonin Artaud. Le visage à côté est familier, même pour un non-Chilien: c'est celui du guitariste Victor Jara, arrêté le 11 septembre 1973, jour du coup d'Etat de Pinochet, transféré au stade national où on lui coupa les mains avant de le fusiller. Jara n'était pas seulement un musicien célèbre dans son pays, il était également acteur et, à l'époque, directeur du Théâtre national, qui comptait une troupe de quarante comédiens permanents. Les militaires avaient décidément le sens du symbole: ce n'est pas seulement la musique, mais aussi tout le théâtre chilien qui a eu ce jour-là les mains coupées avant d'être réduit au silence. Théâtre national. Fernando Gonzalez est soucieux: il a reçu dernièrement une lettre du propriétaire l'enjoignant de quitter les lieux. Le Théâtre national est abrité depuis quarante-cinq ans dans les locaux d'une banque, El Banco del Estado, qui souhaite transformer le bâtiment en centre commercial. Voilà qui pourrait régler définitivement le sort d'une institution qui survit avec un budget de moins de deux millions de francs par an (le directeur, qui enseigne à l'université et dirige une école de théâtre, est bénévole): de quoi payer une dizaine de permanents, faire tourner un atelier de décors et de costumes, et programmer 120 représentations par an, dont trois productions «maison». «Je me bats pour avoir une compagnie