La mère est «très habile pour ne pas penser à ce à quoi il ne faut pas penser». Elle vient de perdre son mari. Or ce mari mort, avant, savait la faire rire. De lui les gens disaient:«Il a tant d'humour», et l'humour, «ça fait du bien aux os». Cette récente veuve, on l'aime dans sa famille, mais surtout par téléphone. Alors elle passe beaucoup de temps au téléphone. Car ses deux filles, par exemple, habitent loin de la Belgique. L'une extrêmement loin, et l'autre à Ménilmontant, celle qui n'a pas d'enfants" «et au fond elle s'en fiche, elle, pas sa fille». Elle sait que sur celle-ci elle peut compter davantage que sur la première, flanquée d'un mari et de petits. Elle sait aussi que cette fille ne raconte pas tout, «mais elle devine le reste, elle est très forte pour deviner le reste». Les relations mère-fille" vous savez bien" Sa fille de Ménilmontant l'émeut, voire l'inquiète, car «elle parle trop, parce que ses paroles viennent de ses pensées, elle parle trop vite, parce que ses pensées vont très vite». Quand cela devient vraiment trop, il arrive qu'elle aille mal. Mère-fille. Qui de l'une ou de l'autre des deux femmes assises à cette table de cuisine aux pieds peints en blanc, laquelle de la blonde élancée, la comédienne Aurore Clément, ou de la plus petite, très brune, Chantal Akerman, cinéaste et auteur de ce texte-là, laquelle des deux a repris soudain le récit lancinant où l'on ne sait parfois plus qui, de la mère ou de la fille, se souvient et repense aux mains du ma
Critique
Violentes femmes.
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publié le 15 juillet 1999 à 23h55