Ouvrez grand les yeux, voici Eyes Wide Shut. Il nous arrive après un
océan de commentaires comme jamais aucun film n'en a suscité avant d'être visible, avant d'être fini, avant même d'être commencé. Tout ce qu'il est possible de savoir a été dit et répété, malgré le rideau de fumée du secret dans lequel le film aurait germiné. Et c'est d'abord ce précédent historique, cette attente aussi légitime que fabriquée, qui donne d'emblée à EWS son statut d'objet critique exceptionnel. Mais après?
Cette mythologisation a priori, évidemment excessive, a eu raison de tout recul. La mort du cinéaste à peine quitté sa salle de montage a bien entendu accentué le mouvement et propulsé le film très au-delà de son altitude naturelle, créant de toutes pièces un malentendu fondateur. Avec Eyes Wide Shut, a-t-on voulu nous faire croire, Stanley Kubrick allait frapper au coeur de la psyché américaine. Le cinéaste qui a bouleversé les codes de la reconstitution en costumes avec Barry Lyndon, réinventé le space opera avec 2001, signé l'arrêt de mort du film de guerre avec Full Metal Jacket et réglé son compte à l'épouvante avec Shining; celui-là, donc, allait enfin dire son fait au démon sexuel américain, en réalisant le film de couple terminal, le drame sexo-psychologique absolu, duquel montait dès avant les premières prises les fumets tentateurs de l'exhib'érotique telle que ne manquerait pas de la fournir le duo emblématique du firmament hollywoodien. Résultat: bernique! Bien sûr, il ne s'agit pa