Barcelone aujourd'hui est une femme. Qui, à quarante ans, a les
traits marqués de deux pattes- d'oie discrètes. On le serait à moins, car si Barcelone est encore une femme, elle l'est en quelque sorte «après tout»: après le viol franquiste, après le machisme «à la Catalane», après le transgénisme d'une movida almodovarienne. Non seulement espagnole et femme, Barcelone est résistante, autonome, indépendante. Plus que jamais sorcière.
Seconde adolescence. Sara est cette quadragénaire dans Barcelone, cette «Barcelonette» qui dit, dans un essentiel «le temps m'échappe» ou encore (c'est tout sauf simple comme affirmation) «mon nom est Sara», combien elle sent en elle deux corps: le sien mûri par les ans et cette part en elle qui souterrainement réclame l'assouvissement d'une seconde adolescence. Un corps ranimé de désirs, de pulsions, d'envies. Cercles concentriques. Quel chemin peut Sara? Quelle rambla peut-elle longer qui ne soit empruntée ni par les mères, ni par les putes, ni par les épouses? Quelle rue traverser sans père (refroidi), sans mari (enfui), sans amant (de passage pas de passion), sans fille bientôt Gina s'apprête à devenir une rivale, elle a seize ans. Comment se réinventer au pied du mur de l'âge?
Le premier film de Dolores Payás, largement soumis au tracas biographique, avance par renvois, par cercles concentriques ou par miroirs: une femme est une femme voire deux femmes mais elle n'existe qu'au travers des groupes. Une situation qui ne satisfait personne