On est toujours seul face à un film de Danièle Huillet et Jean-MarieS traub. Seul sans doute parce qu’ils sont deux, eux-mêmes altièrement isolés, que leur culture est phénoménale, qu’ils ont déjà déconstruit-reconstruit des pans entiers du savoir (Kleist, Bach, Kafka, Barrès, Schönberg »), qu’on sait très vite du fond de son fauteuil que même si la durée de la projection sera courte (1h06), il va falloir bosser, que rien ne sera livré, pas seulement du sens mais des personnages et du récit, clés en main.
Cet état de tension, nerfs, neurones, muscles sur le qui-vive, est à la fois provoqué et partagé par le film lui-même. La surface métallique de l'image semble prête à éclater, des paroles sont proférées avec une sorte d'accent colérique et véhément comme s'il fallait aux voix pulvériser des murs successifs de ciment pour percuter quelque cible. La violence des raccords de plans, tels des glaciers se descellant sous la pression atroce de leur propre poids, fait halluciner tout un fracas intermédiaire de ce que les cinéastes ont repoussé dans l'outre-monde du hors champ. Sicilia! est une oeuvre de la convulsion fixée, on peut, plan par plan, percevoir l'autonomie des substances, nommer les choses et pointer leur place dans l'architecture générale du paysage, comprendre d'un coup d'oeil euphorique ou révulsé la qualité simultanément inaugurale et ultime des images qui défilent. Comme disait Salinger: vite et lentement!
«Saucissons». «On n’adapte pas une oeuvre littéraire