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Libération
Critique

Garrel, plein de grâces. «Marie pour mémoire», oeuvre touchante et mythique, rarement projetée. Marie pour mémoire (1967) de Philippe Garrel, avec Zouzou, Didier Léon, Thierry Garrel, Maurice Garrel, Nicole Laguigné. 1 h 20. A l'Action-Christine à Paris, jusqu'au 28 septembre.

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publié le 22 septembre 1999 à 0h48

En 1967, Philippe Garrel a 18 ans. Il est encore un peu seul. Il

fait dans son coin des films où il cite Lacan et le situationnisme. Il lit Nietzsche et Rimbaud, visite le Louvre en veste de velours épais, chemise à jabot et bottes noires pour y apprendre les effets de la lumière sur les femmes laiteuses d'Ingres ou sur celles éclairées à la bougie chez La Tour. Il est déjà très entouré mais seul: il croit que Dieu n'est pas mort et qu'il fait des films sous le nom de Jean-Luc Godard.

Philippe Garrel, qui s'est auto- désigné comme son fils spi- rituel, voit bien qu'il est inu-tile de jouer éperdument les Christ Pantocrator alors que le fils de Dieu ne peut être désormais qu'un ange déchu et maigre, prêchant dans un désert moderne. En 1967, Garrel a rencontré Zouzou, une Mademoiselle âge tendre qui pose pour les magazines. Avec elle, il commencera à inventer une famille, une mythologie qui, de Nico à Pierre Clementi, du peintre Frédéric Pardo à Tina Aumont, constitue la plus belle crèche vivante de hippies acidulés jamais croisée dans le cinéma français.

En 1967, Philippe Garrel a 18 ans et il est fier. Il vient de réaliser pour Zouzou son premier long métrage: Marie pour mémoire, pour lequel Michel Simon le serrera dans ses bras comme un nouveau Vigo sous les quolibets du public du festival d'Hyères, qui jugeait scandaleux ce cocktail Molotov. Marie pour mémoire ne sera jamais distribué. Pendant longtemps d'ailleurs, les films de Garrel seront projetés de façon occasionnelle (à