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Libération
Interview

A la guerre comme à la guerre. Des techniciens racontent un tournage au corps à corps. Rosetta de Jean-Pierre et Luc Dardenne, avec Emilie Dequenne, 1 h 30.

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publié le 29 septembre 1999 à 0h54

Si Rosetta est un périlleux défi de mise en scène lancé par les

frères Dardenne pour radicaliser leur démarche sur l'élan de la Promesse, à quel moment l'ont-ils relevé? Les cinéastes ont longtemps douté, mais pour Alain Marcoen, chef opérateur et documentariste liégeois, équipier dans les deux films, la question ne s'est pas posée longtemps: «Lors des premiers essais, les "frères ont fait marcher leur actrice avec la caméra à ses côtés. Dès les premiers rushes, Rosetta nous est apparue dans toute sa vérité. Ils ont un flair incomparable. Dans ces plans, je voyais déjà le mouvement de la Chevauchée fantastique et le visage de Renée Falconetti [dans le Jeanne D'arc de Dreyer]. Et c'était sans effet: les Dardenne écrasent la technique, ils veulent que le travail sur la photo soit invisible.» A l'approche d'un hiver qui s'annonçait très rude (et il le fut, entre la friche industrielle de Seraing et les bois humides des Ardennes belges, ces séquences matrices d'Emilie Dequenne en Rosetta, avec sa jupe et son haut de survêtement, ont placé sous de bons auspices un tournage délicat que les Dardenne qualifient de «bestial». Il a commencé à la mi-octobre. Et l'équipe n'en savait pas grand-chose («Ils sont secrets, les Dardenne», dit Marcoen). Sinon qu'il faudrait travailler en équipe souple et légère, être hyperdisponibles, mobiles, malléables, se partager les tâches. «Un peu comme un commando», dit Jean-Pierre Dardenne. «Rosetta est en guerre», avaient prévenu les cinéastes, et ce