Disparu il y a neuf ans, l'Italien Luigi Nono fut, pour beaucoup, le
plus radical des acteurs de la musique contemporaine des années 60. Communiste (comme son professeur Bruno Maderna) et à l'écoute d'une époque déchirée (ses compositions abordent Auschwitz, l'Algérie, le Viêt-nam et l'Amérique latine), il entra d'emblée en conflit avec sa propre famille musicale à Darmstadt carrefour de l'avant-garde européenne en s'insurgeant contre l'émergence d'un académisme wébernien et en dénonçant l'opération de table rase entreprise par Boulez, Berio et Stockhausen.
Hors circuit. A dénoncer ces compositeurs «qui croyaient pouvoir débuter ex abrupto une ère nouvelle et se posaient comme principe et fin», voire comme «Verbe évangélique», à refuser d'emprunter le circuit traditionnel des concerts et d'accepter des aides financières émanant d'organismes dont il récusait la légitimité morale et politique, l'auteur de la Fabbrica illuminata suscita des critiques violentes. Un Maurice Fleuret stigmatisera cette «musique d'élites intellectuelles sur les thèmes collectivistes de la révolution sociale». Ajoutant, perfide: «Quoi qu'en dise Nono, sa musique n'est pas encore sifflée dans les usines comme celle de Verdi l'était de son temps dans la rue.» Et pour cause: elle obligeait à pénétrer dans des espaces acoustiques inédits.
Né à Buenos Aires en 1953, le compositeur et chef d'orchestre Emilio Pomarico, formé à Milan par Ferrara et Celibidache, rencontra Nono à Venise en 1981. Le maître ab