Copieuse, abondante, l'exposition James Ensor n'est pas seulement la
première rétrospective organisée dans les musées royaux de Bruxelles depuis 1929 c'était alors du vivant du peintre. Elle est une découverte, un choc, plus électrisant qu'esthétique. A voir Ensor, ses masques ricanants, ses blancs crayeux, ses Squelettes voulant se chauffer (1889), il est en effet difficile de dire tout de go «c'est très beau». A moins d'avoir déjà opéré pour soi-même la «révolution» qu'Ensor prônait «contre les convenances» artistiques. Cette révolution de l'électrique à l'esthétique s'opère ici en quelque 370 peintures, dessins et gravures, plus quelques affiches et documents provenant des souvenirs de l'artiste, soit la moitié de l'oeuvre totale. Ils ont été rassemblés (suivant une chronologie légèrement fantaisiste) pour produire la continuité d'un artiste dont le nom n'évoque généralement que de vagues souvenirs curieux. Mort à 89 ans en 1949, James Ensor n'est pas assez célèbre.
Qui est-il? Un artiste belge ce n'est pas peu dire. Toute histoire mise à part, il existe en effet une tradition de l'étrangeté et du fantastique en Belgique, passant par Bosch et Bruegel (qu'Ensor, d'ailleurs, a beaucoup regardés) et menant au XXe siècle, de Delvaux à Magritte, de Marcel Broodthaers au mouvement Cobra. James Ensor est, lui aussi, un artiste à part, sans professeurs, ni élèves, ni successeurs (sauf, peut-être, les gars de Cobra, justement). Un type solitaire, quoiqu'il se fût associé tem