New York correspondance.
L'air de rien, cachée derrière des lunettes noires, la femme s'est infiltrée dans les rangs de ceux qui viennent de passer la porte du Brooklyn Museum of Art. «N'y allez pas, je vous en prie, implore-t-elle, il faut dire aux gens que cette exposition représente la fin de la civilisation. Ils montrent des enfants avec des nez en forme de pénis là dedans. Il n'y a plus aucun respect pour rien.» Elle passe de petits groupes en petits groupes, des sacs de papier à la main. «C'est pour vous, ajoute-t-elle, au cas où vous auriez envie de vomir devant ce que vous allez voir»" Affluence record. Dehors, le musée a des airs de Fort Alamo, retranché derrière d'innombrables cordons policiers. L'entrée principale est bloquée par trois rangées de barrières métalliques. Tout autour, une cinquantaine d'hommes en uniforme veillent. Sur le trottoir, les membres de la paroisse Saint-Michel agenouillés en appellent à Dieu pour lutter contre la «décadence». Tout à côté, d'autres brandissent des pancartes qui demandent «de laisser l'art tranquille». S'il avait voulu lancer une campagne de publicité en faveur de l'exposition Sensation, qui a ouvert samedi au Brooklyn Museum of Art, le maire de New York, Rudolph Giuliani, n'aurait pas pu mieux faire.
En annonçant, il y a dix jours, qu'il allait couper les subventions au musée car il estimait que «l'argent du contribuable ne devait pas servir à financer un art qui rend malade», celui qui devrait bientôt annoncer sa candidature