Tout le film de Thierry Michel est dans la séquence d'ouverture. On
y voit Mobutu passer en revue à grandes enjambées, sa canne-sceptre pointée dans le ciel, une mosaïque d'individus noyés dans le vert pâle uniforme du pagne à l'effigie du couple présidentiel. Au rythme d'une chanson à la gloire du «parti-Etat», comme chloroformés par la voix enjôleuse d'un crooner du «papa maréchal», les corps s'abandonnent. Du haut de la tribune, un dictateur apparemment débonnaire invite le peuple des figurants à s'approcher, puis prend peur: «Jusqu'au tapis rouge!» Ce «roi ubuesque», cet «empereur baroque», affirme le commentaire, a envoûté trente millions de Zaïrois pendant plus de trois décennies par sa «séduction et sa cruauté raffinée».
On le voit, on l'entend bien. Mais comment montrer les ressorts cachés d'un tel pouvoir personnalisé? Thierry Michel a accompli un travail documentaire impressionnant. Il illustre la séduction que Mobutu a exercée à travers le matériel de propagande du régime déchu qu'il a retrouvé, et souvent restauré.
Coopté et courtisé. Il y a des scènes extraordinaires, pénibles parfois. Invité à la télévision belge pour servir d'alibi noir à une causerie en marge de l'Exposition universelle, le jeune Mobutu cherche ses mots; puis s'affirme comme rempart contre le désordre des politiciens, un garant de l'ordre pendant la guerre froide; enfin, le chef de l'Etat, coopté et courtisé par les grands de ce monde, est «l'ami personnel» de Giscard et de Chirac, de Nixon, de