«Il y a de la place pour vous ou le fauteuil roulant de madame Fay
Wray, mais pas les deux», vous explique poliment le chauffeur à l'aéroport Marco Polo de Venise. Devinez qui reste derrière. Les Journées du cinéma muet, inaugurant cette (seizième) année leur déménagement de Pordenone au minuscule bourg médiéval de Sacile, sont ce genre de manifestation. Le lendemain, vous vous retrouviez un rang devant la dame qui jouait Mitzi la veille dans la Marche nuptiale en face d'Eric von Stroheim, elle-même gloussant de bon coeur en regardant l'admirable Kid Brother de Harold Lloyd, présenté par la petite fille du grand binoclard. «I'll remember it always», a dit la fiancée de King Kong devant l'orgie d'affection qui précéda la séance, en écho à une célèbre réplique du film de Stroheim. C'était la première grande visite d'une légende du muet pour ce coriace festival qui, cette année, disposait de deux bonnes salles au lieu du Verdi à Pordenone: la salle paroissiale sous le campanile du XVIe, et l'étonnant Teatro Zancanaro, où se produisit jadis Pier Paolo Pasolini dans Blanche Neige; à l'âge de 8 ans il jouait un des sept nains (Sneezy?).
Cuisine. Et dans quel autre endroit peut-on également voir, en parfait et poétique synchronisme, Alla Nazimova et Fatty Arbuckle danser Salomé, l'une devant des décors adaptés de Beardsley par Natasha Rambova dans son extravagante et ruineuse production de 1923, l'autre à cent mètres de là, soulevant littéralement le toit du Zancanaro avec The Cook,