Sur 160 portraits-balises de l'Amérique des sixties et autant
d'interviews hallucinantes, trois hommes réchappent du passé, en dernières pages, pour achever le livre. Le premier est mort d'un cancer de la prostate, le deuxième s'est suicidé, le dernier tourne sans fin autour du monde sans jamais répondre aux journalistes. Frank Zappa, Abbie Hoffman et Bob Dylan, révélateurs d'une époque où même les stars s'impliquaient, cristallisent effectivement la perspective de Richard Avedon et de Doon Arbus (fille de Diane). Les paroles de Dylan frappent comme la foudre: «Je suis toujours le même. On avait le sentiment d'appartenir à une petite élite composée d'outsiders et de laissés-pour-compte, de faire partie d'une communauté différente, des plus secrète. Et les gens de ce petit groupe, on en trouvait partout, dans toute l'Amérique. Tout ça a été détruit. Dans ma tête, je continue à faire partie d'une société secrète. Il se peut que j'en sois le seul membre, tu sais?» L'innocence intacte. Aucune nostalgie.
Affrontement. Les soixante rugissantes d'Avedon, à des années-lumière de cette Amérique rabâchée des temps bénis, balaient l'angélisme de Woodstock. Ses sixties évanouies sont celles de l'affrontement. La communauté contre le conformisme, la protestation contre la soumission: le Mouvement contre l'Establishment. Le Viêt-nam trace la ligne rouge. La vie d'un côté, les «straight» en costard sombre de l'autre. Kissinger s'affronte à un militant portoricain des Young Lords, les brassar