Le propre d'un personnage de Luc Besson, c'est de venir de nulle
part. S'attaquer à Jeanne d'Arc constituait donc pour lui une gageure, car la Pucelle d'Orléans compte parmi les figures les moins vierges en représentations cinématographiques.
C'est le père putatif du septième art qui accouche de Jeanne d'Arc à l'écran: Georges Méliès, pour un film en douze tableaux de neuf minutes (Jeanne d'Arc, 1900). Dès lors, l'histoire de Jeanne épouse celle du cinéma et sa double trajectoire.
D'un côté, elle accompagne dans son évolution le cinéma-spectacle, pour des versions généralement hagiographiques et hollywoodiennes. Cecil B. de Mille s'empare d'elle pour jeter les bases des superproductions religieuses qui feront sa gloire (Joan the Woman, 1917). Robert Stevenson glisse Michèle Morgan dans une armure dans Joan of Paris (1942). Otto Preminger lance Jean Seberg dans l'étrange et austère Sainte Jeanne (1957).
De l'autre, Jeanne devient la matrice d'une conception du cinéma que les historiens, faute de mieux, appellent moderne, fondée sur l'intériorité et la mise en crise des modalités classiques de représentation. Ce cinéma prend son origine dans la Passion de Jeanne d'Arc de Dreyer (1928), poème introspectif de la douleur, comptant les gros plans les plus bouleversants du cinéma (sur le visage de l'actrice Falconetti). Vient ensuite le Procès de Jeanne d'Arc de Robert Bresson (1962, avec Florence Delay). Plus tard, la version bipartite de Jacques Rivette (les Batailles, puis les Priso