On évoquait, l'année dernière, la figure de Hanns Eisler, l'«autre
compositeur» de Brecht, à l'occasion de l'intégrale de ses Hollywood Liederbuch, enregistrée pour Decca et donnée à Paris par Mathias Goerne. Peu connaissent la Deutsche Symphonie op. 50 d'Eisler, suite de lieder avec orchestre traduisant le sombre pacte Hitler-Staline de 1939. Ni ne savent qu'après son exil américain dans les années 30 où il côtoya Adorno, Döblin, Mann et Schoenberg Eisler sera le grand homme de la musique en RDA, dont il a composé l'hymne national.
Dodécaphoniste light, Eisler était laconique, par mépris de la poésie lyrique bourgeoise, et voyait son rôle comme celui d'un commentateur musical distant, devant référer du monde à leur auditeur «d'un air détaché, légèrement penché en avant, en gueulant un peu pour que cela ne soit pas trop joli et que personne ne soit bouleversé». C'est tout cela que Heiner Goebbels a essayé de mettre en scène et en sons avec l'Ensemble Modern de Francfort, sur la scène du théâtre de l'Odéon. Il s'en expliquait pour nous, hier, à quelques heures de la première représentation.
Pourquoi Eisler, dans votre parcours de musicien et d'homme de théâtre, aujourd'hui?
Eisler est pour moi un rare modèle de compositeur politique. Il est impossible de dissocier son engagement idéologique de son langage musical. Sur les textes de Brecht, c'est un compositeur beaucoup plus investi et proche du concept que Kurt Weill. Eisler compose avec son corps. Il est sous influence Bach