De temps à autre, Willy DeVille écrit lui-même une chanson. C'est
aussi rare que délicat, et il n'en parle pas sans mal, puisque sa mémoire le trahit. Ce dimanche soir de juin, à San Francisco, il est si tendu qu'il se concentre difficilement. Il part acheter des cigarettes et revient avec un Esquimau, il faut lui rappeler avec insistance qu'il a joué à New York trois jours plus tôt («Non, non" Ah! oui, bien sûr! Les gens m'aiment là-bas»).
Dans la confusion, il parvient quand même à s'arrêter quelques instants sur une composition très personnelle du nouvel album, placée entre une reprise de Ry Cooder et un blues traditionnel des campagnes du Sud, où il a élu résidence. Lay Me Down Easy est une ballade poignante où le boucanier rock supplie qu'on lui donne enfin le repos («Je suis trop fatigué pour errer/ Si loin de chez moi»). «C'est l'histoire d'un type en cure de désintoxication qui prie pour qu'on le délivre», dit-il. Puis après avoir expliqué, du coq à l'âne, que l'héroïne, en argot, c'est «le cheval», «parce qu'il n'y a rien de plus puissant que le coup de pied de la bête», il s'arrête net, subitement à cran: «Pourquoi en est-on venu à parler de drogue?»
«Cours encore.» L'héroïne semble-t-il, c'est du passé. Il y a toutefois d'autres dépendances. Comme «cette voix» qui lui parle jour et nuit, refuse de s'arrêter et semble lui dire: «Cours encore.» Il s'est retiré avec sa compagne dans un ranch du Mississippi, mais passe le plus clair de ses nuits à arpenter les rues de la