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Libération
Critique

«Afasia», entre commedia dell'arte et jeu vidéo. Un seul acteur en scène et des trésors de technologie pour cette création d'Antunez.

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publié le 29 octobre 1999 à 1h24

Montréal envoyée spéciale

L'attirail a de quoi étonner: trois robots bizarroïdes, sortes d'instruments échappés d'un futur à la Mad Max, se dressent dans toute leur quincaillerie sur scène. Derrière, un écran géant diffuse des images bucoliques d'une mare où viennent croasser d'énormes grenouilles de synthèse, interloquées par les va-et-vient sous-marins d'une tête humaine. C'est à peine si l'on remarque l'entrée en scène du seul et unique acteur de cette fable technologique d'un genre radicalement nouveau, entre théâtre, performance et jeu de rôles, donnée dans le cadre du FCMM de Montréal. Recouvert de câbles et de capteurs, ceint de pustules d'acier des pieds à la tête, l'homme s'avance. Afasia peut commencer.

Membre fondateur de la Fura dels Baus, troupe barcelonaise déjantée des années 80, Marcel-li Antunez Roca a conservé de cette période «primitiviste» un sens aigu de la dérision et du spectacle. Pendant près d'une heure, sans proférer une parole (1), Antunez déroule le fil de l'Odyssée. La machinerie qui le recouvre déclenche les robots instruments, les fait onduler ou gémir, interagit avec les images vidéo ou de synthèse sur l'écran, passant d'une danse mécanique à une parodie de décor antique, où le double d'Antunez vogue d'un bout à l'autre de l'océan. C'est drôle, violent, cru, épique, bruyant, absurde aussi. Le public est partagé entre rire et incompréhension devant ces images d'Ulysse aux enfers, du cyclope cruel et sanguin, de ces corps recouverts de chocolat et