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Critique

Danse. Onze soli de la Canadienne réinterprétés par trois artistes à la Bastille. Du Chouinard Canada dry. Les solos 1978-1998, De Marie Chouinard, interprétés par Lucie Mongrain, Carole Prieur et Elisabeth Vanderborght. Au théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette 75011 Paris. Tél.: 01 43 57 42 14. Jusqu'au 7 novembre.

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publié le 5 novembre 1999 à 1h48

Onze soli en 2 h 35, ponctués par deux entractes de dix minutes

chacun, c'est beaucoup à digérer mais suffisant pour se faire une idée de la danse selon Marie Chouinard. Pendant vingt ans, la chorégraphe canadienne s'est servi de son propre corps comme instrument d'investigation. Elle a réussi à inventer une gestuelle sans pareille, loin des canons en vigueur et sans souci des esthétiques avant-gardistes ou traditionnelles.

«Infra-animal». Plus qu'une gamme de gestes, elle propose un voyage physique qui excède les frontières habituelles, telles que haut (tête) et bas (jambes), membres et tronc, muscles et nerfs. Tout part d'un influx ou d'une pulsion qui se développe selon les accidents de parcours (os, articulations, etc.), ou les lignes de fuite (de l'épaule aux doigts, du bassin au crâne, etc.). Ni les réflexes appris ni les pudeurs secrètes ne forment obstacle. Qu'on imagine le mouvement d'une vague déferlant sur la grève, se fracassant sur un rocher, soulevant une épave, contournant un piton et refluant dans un bruit de succion qui donne la chair de poule.

Moteur à mille pistons, turbine sans frein, réservoir de lenteurs, matrice à torsions, générateur d'involutions et de récessions, le corps de Chouinard est tout cela à la fois, dans un devenir que Deleuze aurait peut-être qualifié d'infra-animal. C'est la raison pour laquelle les éléments ajoutés (décor, costumes, musiques, paroles") sont gênants. Trop souvent d'un mauvais goût que rien ne justifie, ils finissent par bro