Des murailles de pierres sous un soleil de plomb, un jeune homme au
beau sourire debout en djellaba, un groupe d'enfants accroupis qui écoutent la leçon d'un maître barbu. Cette photo d'Elias Harrus, image comme sortie de la Bible, dit tout d'une civilisation qu'on a peine à distinguer de celle des Berbères. Elle sert de fil rouge à Regards sur la vie juive au Maroc, exposition du musée d'Art et d'Histoire du judaïsme qui, en multipliant les angles d'approche, met en lumière l'histoire multiforme d'une communauté, tout en évitant le train-train d'un parcours didactique.
Implantée depuis l'Antiquité (on estime son arrivée contemporaine de la destruction du Temple de Jérusalem au IVe siècle avant J. C.), la communauté juive du Maroc comptait près de 300 000 membres au milieu du siècle. Ils sont entre 6 000 et 8 000 aujourd'hui. Cette hémorragie n'est pas due à une déferlante antisémite comparable à celles d'Europe de l'Est, mais à une conjugaison de phénomènes complexes. C'est avec le corpus de photos d'Elias Harrus, Juifs parmi les Berbères, que l'on plonge au plus loin dans les racines. Né à Beni Mellal dans le Moyen-Atlas, toujours résident de Casablanca, Harrus est fils d'un rabbin qui enseignait l'hébreu dans une école française locale. De 1946 à 1958, il dirigea le lycée agricole de Marrakech. C'est au cours de ses voyages, au milieu des années 40, qu'il commence à photographier, jusqu'à accumuler plusieurs centaines de rouleaux de pellicules, précieux témoignages d'un te