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Libération

L'ami américain. Homme libre, Robert Kramer aimait le risque au cinéma comme dans la vie.

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publié le 12 novembre 1999 à 1h54

De prime abord, Robert Kramer était séduisant. Un grand sourire

franc, une allure décontractée, un accent new-yorkais indélébile, une main tendue qui se referme vigoureusement sur la vôtre, c'était un Américain. Il avait un physique d'acteur, que Cedric Kahn avait fini par exploiter dans l'Ennui.

Robert Kramer était un homme libre. Il n'avait pas seulement roulé sa bosse dans les mouvements gauchistes américains des années 60, au Viêt-nam écrasé par les bombes, dans l'Angola mal remis du colonialisme, il n'avait pas seulement largué les amarres, passant de l'Amérique, où il était né, à la France, où il avait élu domicile, son cinéma aussi était plein de risques. Milestones (1976) est un des rares films qui parle des combats de la gauche des années 70 sans pathos, sans prosélytisme, ni encore moins déni de soi, c'est surtout une fresque surprenante nourrie de ruptures de ton. Incroyable d'inventivité. Un grand film américain.

«Ne pas vivre selon la norme». Les Etats-Unis, son pays, l'ont toujours passionné. C'est sans doute pourquoi il adorait John Ford, «qui incarne la logique d'une civilisation», disait-il dans un numéro spécial des Cahiers du cinéma. «J'ai l'impression, ajoutait-il, que c'est quelqu'un qui s'est senti vivant quand il faisait des films. C'est ce qui me touche chez lui.»

Kramer avait vu le monde changer sans lui et dans un sens qui ne l'enchantait pas toujours. «Le rôle de l'individu change. Le monde n'existera plus de la même manière en tant que source d'émerve