Une lumière automnale asperge le hall gris des limbes. Les morts, un
par un, défilent sagement devant un guichet administratif. Au-delà, ici-bas, la différence n'est pas criante. Il faut donner son nom, remplir la petite fiche, attendre dans la salle prévue à cet effet. «Vous ne pouvez emporter au paradis qu'un seul souvenir de toute votre vie. Lequel choisissez-vous?» Aïe! On se croyait à peine délivré de l'embarras de vivre, qu'on doit encore fouiller dans le tas et arracher, avant la désintégration définitive, le grand saut dans le vide ou le ravissement cosmique, un maigre chiffon-mémento à goût de revenez-y. Sur le modèle torturant du livre unique qu'on emporterait avec soi sur l'île déserte, cette tuile cueille les personnages, une dizaine de fantômes en transit, au seuil saumâtre d'After Life.
Plan parfait. C'est un drôle de film japonais signé d'un certain Hirokazu Kore-Eda, 37 ans, dont on sait peu de choses en vérité, sinon qu'il a réalisé de nombreux documentaires pour la télévision. After Life (1998) est son second long-métrage de fiction, il sort aujourd'hui en France, en même temps que son premier Maborosi, daté de 1995, vu dans des festivals mais inédit chez nous. Les deux films traitent sensiblement des mêmes thèmes: identité réversible de la vie et de la mort, dimension évanescente du présent, extase des temps faibles, désaccentuation généralisée du monde, coma dépassé" biiiiiiiiip" After Life fournit en quelque sorte après-coup la clef de Maborosi, le cinéma