Ils ne sont pas nombreux les opéras laissés par les grands
compositeurs du siècle. Un pour Debussy (Pelléas et Mélisande), un pour Bartok (le Château de Barbe-Bleue), un et demi pour Schoenberg (l'oratorio Moïse et Aaron et le monodrame Erwartung). Quand aux compositeurs de l'avant-garde contemporaine des années 60, on ne peut pas dire qu'ils aient marqué outre Ligeti avec son Grand Macabre les vingt dernières années de leurs créations lyriques. Alors que Boulez réfléchit toujours à son opéra (après tout, Carter vient de livrer son premier à l'âge de 90 ans), Berio continue à hisser à des sommets de sophistication stylistique le genre qu'il a réinventé de façon très personnelle. Totalitarisme. Depuis qu'il a ouvert en 1970 une brèche sur le magma en ébullition des conflits sociaux (Opera), il ne cesse d'être inquiet quant à l'enfance bafouée, au devenir virtuel de la violence, au totalitarisme des complexes militaro-industriels, et à la fin de l'utopie humaniste. Parallèlement à cette conscience de plus en plus aiguë du monde, la matière orchestrale, l'invention mélodique s'affinent à un point de sensualité électrisante et apaisante, dont les détracteurs stigmatisent le caractère formel.
Cet été à Salzbourg, Berio présentait sa sixième «action musicale», intitulée Cronaca Del Luogo, desservie par une mise en scène trop plate de Carl Guth. On en retenait une sequenza pour voix et pads électroniques, dont la polyrythmie et les sauts de registres hallucinants étaient confié