Werner Herzog, 57 ans, grignotant du chocolat noir, le sourire
doux-amer, revient d'une voix douce et tendue sur l'acteur «torrentiel» avec lequel il a si souvent travaillé.
En tournant un film sur votre relation avec votre acteur fétiche, Klaus Kinski, huit ans après sa mort, souhaitiez-vous guérir une plaie?
Non, j'ai toujours voulu faire un film sur nous deux. Juste après sa mort, notre relation, cette rencontre de deux masses critiques, me pesait encore trop, mais au fil du temps le poids s'allégeait: c'est le beau mystère du temps. Longtemps après, quand je me souvenais de lui avec humour et chaleur, j'ai enfin pu faire ce film. Finalement, il s'est fait très rapidement et on y trouve probablement ce sentiment d'apesanteur.
A la fin d'«Ennemis intimes», Kinski joue avec un papillon" Il serait réducteur de parler seulement de sa fragilité, car avec lui l'horrible n'était jamais loin. Aujourd'hui, mes souvenirs voudraient garder cette image de Kinski en papillon, mais mon esprit s'y oppose (rires). Avec lui, j'ai parfois dû jouer au dompteur. Quand il piquait une de ses crises frénétiques, il n'était plus gérable. Pour rendre à l'écran son énergie et ses capacités, j'ai même dû le menacer de mort. Quand, après une de ces disputes violentes, il a voulu abandonner le tournage de Fitzcarraldo, j'ai songé au meurtre parfait. Heureusement, dans ces moments, Kinski sentait instinctivement les limites, et il est revenu sur le terrain où il devait agir.
Aimez-vous vous frotter aux e