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Libération
Critique

Des «Belles Endormies» soporifiques

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Théâtre. Décevante performance d'Eric Ruf et EDWIN(e) dans une adaptation de Kawabata à Chaillot.
publié le 18 novembre 1999 à 1h41

De fait, l'apparition dans la pénombre de ce choeur de jeunes villageois endimanchés, femmes en coiffe blanche, hommes en veste ou blouse noires, tout droit sortis du XIXe siècle, a le charme des Il était une fois. Comme si aux yeux des spectateurs s'ouvrait un monde fantastique, peuplé de spectres aux regards doux, derniers reflets d'une harmonie perdue, dont témoigne aussi leur chant, valse lente, proche de la ritournelle nervalienne: «Il est un air pour qui je donnerais/ Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber/ Un air très vieux, languissant et funèbre/ Qui pour moi seul a des charmes secrets.»

Scolaire. Peut-être certains spectacles ne devraient-ils durer que le temps d'une promesse. On retient son souffle, c'est déjà fini et rien ne viendra gâcher le souvenir. Il est un peu cavalier de dire que les Belles Endormies du bord de scène auraient dû le rester. On sent que ce projet, le deuxième de la Compagnie d'EDWIN(e) rassemblée autour d'Eric Ruf ­ talentueux sociétaire de la Comédie-Française ­, a mobilisé du coeur et du talent. Que les territoires explorés, entre Brocéliande et le pays du théâtre, l'ont été par une communauté de purs qui ne calculaient pas. Manque pourtant l'essentiel: non le désir d'être ensemble, mais le but qui transcenderait ce désir. Manque en l'occurrence à ces Belles Endormies, bien loin de celles imaginées par Kawabata, un texte. Car le charme ne fait pas longtemps illusion: l'indigence des mots vient vite dessiller l