Si vous n'avez pas encore visité l'exposition parisienne consacrée
au fauvisme, ce n'est pas le moment d'y aller. Comptez une bonne heure de queue à l'entrée du musée, une demi-heure à trois quarts d'heure au vestiaire et, à l'intérieur, une promiscuité telle qu'apercevoir un coin de toile relève de l'exploit improbable. En revanche, si vous n'y allez pas dare-dare, vous manquerez un rendez-vous irrattrapable. Même si de nombreux peintres ici présents ont déjà eu l'occasion d'être accrochés sur ces murs, parmi lesquels Derain, Vlaminck, Van Dongen, Marc, Malevitch et quantité d'autres, sans oublier le principal: Matisse.
Eruption de la modernité. Ce dernier peut d'ailleurs être considéré comme l'emblème de cette «éruption de la modernité en Europe», comme l'annonce le sous-titre de la manifestation. Avec Derain, il assure l'ouverture concentrée sur la période Collioure (1905-1906). Il clôt aussi la visite avec, notamment, la série Luxe et la version de la Danse conservée au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg (1). Mais, non content d'introduire et de conclure, Matisse occupe une place centrale dans la petite rotonde située à peu près à mi-parcours. Son Nu bleu y trône dans la torsion anguleuse d'une beauté froide arrachée à la volupté et il est entouré par une théorie d'autres nudités, matissiennes ou non, comme, par exemple, les Deux nus roses au bord du lac (2) de l'expressionniste allemand Kirchner. Cette halte-repos est la signature, involontaire sans doute, de l'accro