Un beau matin du milieu des années 90, les journaux de mode ont
cessé de montrer la perfection surhumaine de Claudia, Nadja ou Linda magnifiée par des vêtements et une scénographie spectaculaires. A mesure qu'apparaissaient des magazines tels que Visionaire, Purple ou Dutch, plus déclenchés par une approche artistique de la mode que par le luxe des jolies images, les corridors de palaces, lieux de prédilection des shootings, ont été désertés au profit de cuisines cracra de HLM est-allemande, finalement assez en résonance avec l'envie de la mode d'en découdre avec les codes du mauvais goût. Quelle que soit leur confidentialité, ces titres d'avant-garde puis des nouveaux venus dans la presse féminine, comme Jalouse, Max Mixt(e) ou Numéro ont fait la réputation de vedettes de la photo telles que Mario puis Valeria Sorrenti, Nathaniel Goldberg, Sean Ellis, Marcus Mâm ou Inez Van Lamsveerde, vite récupérées par Vogue et consorts, puis la pub (cf. le dernier catalogue Habitat). Dans la préface de sa récente édition de Fashion images de mode (1), cours de rattrapage consacré à ue an «d'art appliqué nourri de la puissance commerciale de la presse et de l'industrie du vêtement», Lisa Lovatt-Smith diagnostique: «C'est précisément ce côté prosaïque de la photographie, en tant que composante de la vie domestique et familiale, qui se trouve à l'origine de la nouvelle génération d'images de mode dont l'apparente banalité deviendra sans doute la caractéristique du style des années 90.»