C'est en 1962 qu'Albert Boadella fonde à Barcelone la troupe du
Joglars, à qui il donne dès l'origine un caractère impertinent. Très vite, ses créations, qui moquent les pouvoirs en place, lui valent la réprobation des autorités. En 1977, pour sa pièce la Torna (le Retour), il est arrêté et condamné pour «insultes à l'autorité militaire et à la guardia civil», et s'exile un temps en France. En 1995, il entame une «trilogie catalane». Après avoir monté Ubu président, une satyre du leader nationaliste Jordi Pujol toujours au pouvoir à Barcelone , il dépeint l'écrivain Josep Pla, puis réalise la pièce sur Dalí, fruit de deux ans de recherches et de six mois de répétitions.
Pourquoi avoir présenté sous un jour favorable Dalí, que beaucoup considèrent encore comme un réactionnaire?
On s'est trompé sur son compte. Salvador Dalí considérait que la politique est l'anecdote de l'histoire. Ce qui l'intéressait, c'était d'user de la provocation comme d'une arme de précision. Lorsqu'il se dit sensuellement attiré par le dos d'Hitler, il cherche la levée de boucliers. La thèse d'un Dalí fascisant ne tient pas une seconde. Lui-même répétait souvent que si le nazisme s'était imposé, il aurait été le premier, lui et ses bouffonneries, à être éliminé par le nouveau régime. Quant à Franco, il en avait surtout peur. J'ai longtemps étudié son cas. En fait, Dalí représente l'insolite et l'individuel poussés à leur comble. A tout moment, il faisait ce qui lui passait par la tête, apportant une r