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Libération
Critique

Théâtre. A Madrid, Els Joglars réhabilite sur le mode comique le peintre mal-aimé. «Daaalí», éloge de Salvador. Daaalí par Els Joglars. Mise en scène d'Albert Boadella. Théâtre María Guerrero, Madrid. Jusqu'au 9 janvier.

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publié le 29 novembre 1999 à 1h31

«L'enfant Dalí voulut être cuisinier, puis Napoléon, et finalement

s'est décidé pour être ni plus ni moins Salvador Dalí.» C'est ainsi qu'Els Joglars, l'une des compagnies de théâtre les plus inventives d'Espagne, présente sa dernière oeuvre, tout juste arrivée dans la plus prestigieuse salle de Madrid, le María Guerrero. Derrière cette apparente tautologie, se cache en réalité une véritable intention: celle de réhabiliter le personnage de Salvador Dalí, abhorré par l'élite intellectuelle catalane et suspect de sympathies franquistes et fascistes.

Art absolu. Albert Boadella, directeur d'Els Joglars, a voulu prendre le contre-pied de cette image, en partant d'un autre point de vue: loin d'être un artiste cynique s'adonnant à l'arnaque et au blasphème, Dalí serait, selon la compagnie catalane, un exemple rare de l'enfant «non perverti par le monde conventionnel des adultes». Dans le spectacle, un vieux Dalí agonisant cohabite avec un Dalí enfant, en uniforme de marin, espiègle et joueur. Toute cohérence de lieu et de temps a été brisée au profit d'une représentation hallucinatoire du peintre: un Dalí théâtralisé à l'extrême affronte des meutes de journalistes, tourne en ridicule des «valeurs consacrées» de la peinture contemporaine (Kandinski, Tapiés, Miró"), exprime ses relations ambiguës avec le poète García Lorca, se montre infantile dans ses jeux érotiques avec sa compagne Gala et tombe en sincère pâmoison devant Diego Velázquez, dont les moustaches ont inspiré les siennes.