Moscou, de notre correspondant.
Strakha niet, «non à la peur». C'était le titre d'un concert donné sur la place Maïakovski par un soir d'automne. Strakha niet, deux mots tendus sur le fronton du podium où se produisaient différents groupes russes, rock et autres, connus ou non. Devant le podium, un espace vide où seule était autorisée à stationner la statue de Maïakovski, sculpturalement soviétique, comme si ce qui reste d'avant-garde du poète usé par les leurres de ses commémorations tendait une oreille attentive, se disant: «Nom de mille poèmes, mais on dirait que ça bouge ici"» Le public, jeune et nombreux, relégué derrière des barrières, ignorait ostensiblement cette scénographie absurde, imposée par le service de sécurité. Comme si ces jeunes allaient monter sur notre Maïakovski et lui faire boire de la bière!
Ce n'était pas la fête d'un jubilé comme l'Etat russe et la ville de Moscou en raffolent, mais un concert comme ça, pour dire non à la peur du lendemain et plus encore à celle des attentats. C'était une nouvelle «action» d'un mouvement, plus ou moins informel, baptisé «Moscou non officiel» ou «Moscou alternatif» selon les moments. Quelques jours plus tôt, sur une autre scène, celle de la salle de spectacle sise dans la Maison des journalistes, se trouvaient assis, côte à côte, Dimitri Prigov, Marat Guelman et Sergueï Kirienko. Soit, respectivement, l'un des meilleurs poètes contemporains, rétif aux flonflons officiels, un galeriste plutôt iconoclaste et un ancien Pr