C’est aussi volumineux qu’une bible. 1 800 pages. Et parfaitement inclassable. Mémoires? Roman? Récit? Poème? Traité philosophique? Grimoire? C’est en tout cas le grand oeuvre d’Armand Gatti, résistant, déporté, évadé, grand reporter, homme de théâtre, militant, «poète surchauffé» selon le mot de De Gaulle à Malraux; une somme, pourrait-on dire, mais le mot déplairait à l’auteur: «C’est un livre qui brouillonne pour échapper au fini. Pour laisser la possibilité de l’infini infiniment ouverte», écrit Michel Séonnet en préambule. De fait, la Parole errante, c’est le nom du livre et c’est aussi le nom de la compagnie théâtrale qu’anime Armand Gatti, brouillonne et bouillonnante: «Ce lit où dix, vingt, trente fleuves coulant de front peuvent devenir chant, c’est la parole errante», prévient l’auteur. Comment traverser une crue pareille? Où est la barque? Le découragement peut saisir le lecteur dès la première phrase: «Les mots me lisent, écrit Armand Gatti. Ceux que je suis en train d’écrire. Ceux d’un peu partout (surtout dans les livres) que j’ai pu connaître.» L’alchimie des lettres. Si donc les mots sont les lecteurs naturels d’Armand Gatti, la tentation existe de les laisser se débrouiller entre eux. De voir en l’auteur une sorte de cabaliste que d’autres cabalistes tenteront de déchiffrer un jour. Ce qu’il ne dément d’ailleurs pas tout à fait: «Si (les mots) me lisent comme je me suis longtemps lu, je serais un roman cherchant dans l’alchimie des lettres les vraisembla
Critique
Théâtre. Armand Gatti lu par ses mots.
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par René Solis
publié le 13 décembre 1999 à 2h02