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Libération

L'Etat s'emmêle les pinceaux. Arsenal juridique mal conçu, manque chronique de ressources: les musées français sont contraints de laisser partir des chefs-d'oeuvre à l'étranger.

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publié le 17 décembre 1999 à 2h25

La France est en train de perdre des chefs-d'oeuvre signés Cézanne ou

Degas, sans que personne ne le sache, et donc ne s'en émeuve. Les conservateurs, qui nourrissaient l'espoir de les récupérer pour le patrimoine public, ont dû revenir à la réalité: ils n'ont pas les moyens d'aligner les fonds nécessaires pour faire jeu égal avec un marché de l'art en plein «boom». Cette désillusion met fin à des années d'un bras de fer qui a opposé dans le plus grand secret le ministère de la Culture aux propriétaires de quelques oeuvres exceptionnelles de la peinture française. En toile de fond de ce théâtre d'ombres: l'irresponsabilité d'un Etat incapable de se donner les moyens de sa politique.

Passeport. La Direction des musées de France (DMF) s'est en effet battue pour retenir ces peintures, dans le fol espoir de les voir intégrer le patrimoine public, sans en avoir vraiment les moyens, ni juridiques ni financiers. Un peu de maladresse de sa part aidant, les familles propriétaires se sont braquées, lui reprochant d'user de manoeuvres déloyales dans le but sournois d'obtenir à bas prix des oeuvres valant des fortunes.

Ces contentieux ont pris une telle tournure qu'ils ont conduit les uns et les autres devant les tribunaux. L'Etat invoque la loi sur la circulation des oeuvres d'art, du 31 décembre 1992, qui a instauré un «passeport» pour les oeuvres d'art: elle lui permet de refuser ce certificat sortie à des «trésors nationaux» (lire encadré ci-contre). En sept ans, il l'a fait dans 76 ca