Jeudi matin, 11 heures, Roger Frison-Roche, 93 ans, a quitté son
chalet pour aller prendre, comme tous les matins, l'apéro chez Mélanie, en face du bureau des guides de Chamonix. Puis il est parti, à pied, déjeuner, dans une brasserie. Victime d'un malaise respiratoire, il est tombé dans le coma. Hospitalisé à Chamonix, il est mort dans la nuit.
Il avait promené son 1,90 mètre dans le Chamonix des années folles, son sourire dans le Sahara colonial et sa tignasse blanche au-delà du cercle polaire. Son best-seller, Premier de cordée, a été vendu à plus de 3 millions d'exemplaires.
Tourbillon. Né à Paris le 10 février 1906, il quitte l'école très jeune, travaille comme employé dans une agence de voyage parisienne et fonce à Chamonix où se préparent les Jeux olympiques de 1924. «Frison» n'a que 17 ans, la montagne le prend, sa vie sera un tourbillon, comme si côtoyer le Mont-Blanc lui avait donné l'élan d'une capsule spatiale frôlant une grosse planète. Cette trajectoire idéale, qui croise Cendrars ou Gance, la radio et la télé, le sable et la glace, le conduira toujours au bon endroit, au bon moment.
Happé par les années folles à Chamonix, il est un pionnier du ski alpin, qu'il cessera d'enseigner après que sa technique, visionnaire, du virage sauté eut été interdite. Il se venge sur la montagne, devient en 1930 le premier «étranger» (non-originaire de la vallée) à intégrer la Compagnie des guides de Chamonix. En 1935, il est devenu une figure chamoniarde (la rumeur, plus tard, le