Hamid Faraji a troqué son nom pour le pseudo d'El Gnawi, en hommage
à la haute figure du musicien thérapeute de ce nom; comme un artiste qui chez nous se ferait appeler «le Barde» ou «le Druide». Troubadour sauvage ou rhapsode indigent, noir habitant du Maghreb, claquant de grandes castagnettes en fer, tapant sur un tambour ou faisant vrombir une basse archaïque, le Gnawi (Guinéen en arabe, Gnawa au pluriel) attire les enfants et les inquiète. Tous savent qu'il y a de la magie dans la musique de ce prêtre du vaudou musulman. Le vieil enfant Hamid Faraji n'a jamais voulu quitter la zaouia, la confrérie gnawie de Ksar-el-Kébir, la ville marocaine où il est né en 1961. «On m'a enlevé alors que j'étais enfant, innocent / On m'a vêtu d'habits de soie inusables / Mes maîtres sont de la lignée de Mahomet», reprend-t-il, illustrant la cosmogonie afro-islamique fondée par les esclaves arrachés du bled es-Soudane (pays des Noirs, en arabe), le Soudan français de l'ancienne AOF. «Ils sont venus,ils sont venus, les Gnawa sont là / Mes maîtres sont des Noirs du Soudan, ils sont bien là / Avec leurs chéchias multicolores, les Gnawa sont là», clame encore Hamid El Gnawi à propos de ces descendants de captifs tellement mêlés aux Berbères plus ou moins arabisés qu'on ne sait plus qui est blanc et qui est noir. Il en reste la religion gnawie, l'un des plus vivants mysticismes maghrébins. Marqués par sept génies ou couleurs, les rites restent encore mystérieux, promettant la délivrance et susci