Dans les rues de Seattle au début du mois, bon nombre des jeunes
Américains qui manifestaient contre l'Organisation mondiale du commerce (OMC) arboraient tatouages, piercings, coiffures colorées, maquillages et déguisements qui donnaient à la mobilisation contre la mondialisation un air de fête «primitive». A peu près au même moment, l'American Museum of Natural History inaugurait à New York une vaste exposition sur le body art, dont l'impact, prédit le magazine Newsweek, sera de «légitimer tatouages et anneaux dans le nez de la même manière que l'Armory Show de 1913 le fit pour l'art moderne». Pour être fortuite, la coïncidence n'en témoigne pas moins d'un phénomène qui s'accélère depuis quelques années: la diffusion dans les pays occidentaux, y compris dans les classes moyennes et les milieux aisés, de pratiques d'ornementation corporelle longtemps marginalisées ou jugées «sauvages».
Contre-culture. On retrouve dans l'exposition new-yorkaise ces jeunes «néotribaux», photographiés, en 1998, par Bettina Witteveen à San Francisco, à Seattle ou à New York, qui tentent d'acquérir des «identités hybrides» en adoptant des coutumes jadis en vigueur parmi les aborigènes d'Australie et les peuples d'Océanie. Ils veulent manifester de la sorte leur aliénation d'une culture moderne technologique et «mondialisée», et revendiquent un rapport plus «authentique» au monde naturel et spirituel, dont ils imaginent que les «peuples indigènes» sont les dépositaires. Ils ne sont que la partie la