Felicia s'en va. Parce que l'homme qu'elle aime a précipitamment
quitté leur Irlande natale pour chercher du travail en Angleterre, la jeune fille débarque à Bristol sans adresse ni moyen de le retrouver. Un célibataire (Bob Hoskins), un peu trop obséquieux pour être honnête, la prend sous son aile et prétend l'aider dans ses recherches. En rencontrant le vieil Hildich, Felicia entre dans le film et suspend son voyage. Car on ne voyage pas dans le cinéma d'Atom Egoyan, on s'installe.
Comme la plupart des oeuvres du cinéaste, le Voyage de Felicia ne trace pas une avancée rectiligne dans un temps linéaire. Le récit est une installation complexe, où les strates temporelles s'enchevêtrent et où les personnages piétinent. Hildich est un obsessionnel dont la vie s'organise en rituels scrupuleux. Le jour, il dirige la cantine d'une entreprise. La nuit, il rejoue dans sa cuisine les heures de sa gloire passée, lorsque petit garçon obèse il aidait sa maman à animer une émission télévisée de cuisine.
Enfer oedipien. A partir de là, les images prolifèrent: celles en noir et blanc des émissions d'hier, celles du passé irlandais de Felicia, celles de ses rêves, celles en vidéo des jeunes filles qu'Hildich a filmées dans sa voiture avant de les assassiner" L'inconscient, les souvenirs, le passé, le présent, tout est boîte à images chez Atom Egoyan. Elles remontent de partout et viennent glisser à la surface de l'écran en nappes successives. Elles constituent un piège sophistiqué, dans lequel