On est comblé, du moins en ce qui concerne la présence des
chorégraphes américains à Paris. En peu de temps, on a pu voir trois figures emblématiques qui ont bouleversé l'art chorégraphique de ce siècle. A Créteil, dans le cadre du Festival d'automne, la compagnie de Martha Graham nous a rappelé que la danse est une pensée en mouvement sur le monde. Au Théâtre de la Ville, Merce Cunningham, à 80 ans, a créé une merveille (Biped) et confirmé que l'âge ne fait rien à l'affaire: le processus de travail et non le style ou les ficelles du métier sont au coeur de la création. Au palais Garnier, en ce moment, Paul Taylor, à 70 ans, sans aucun doute le plus américain des trois, continue à jouer les variations en ombre ou en lumière sur la base simple de la marche ou de la course. Les programmes proposés par sa compagnie redonnent un sens plein et positif au mot divertissement.
Contrastes. Esplanade, ballet de 1975 par ailleurs au répertoire du Ballet de l'Opéra avec quatre autres pièces , est on ne peut plus musical. Bach veut sûrement cela, qui guide bien des chorégraphes, leur imposant son rythme et les faisant plancher sur quelque complexité d'écriture. Inutile de dire que Taylor s'en sort fort bien, par une danse qui marque par ses accents jubilatoires en contraste avec les pannes d'énergie, les abandons mélancoliques, presque les tristesses solitaires qui pèsent au sol. Les danseurs, pour athlétiques qu'ils soient, n'en rajoutent pas dans l'ostentation du corps sain et eff