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Critique

Théâtre. Le mythe antique revisité par un poète contemporain gascon. Iphigénie en gare de Bordeaux. Les Emigrants, ou Iphigénie devant la gare, de Bernard Manciet. M.s. de Gilbert Tiberghien, TNT-Manufacture de chaussures à Bordeaux (05 56 85 82 81), mar.-sam., 20 h 30, jusqu'au 14 janvier. Durée 1 h 30.

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publié le 8 janvier 2000 à 22h05

Devant la gare de Bordeaux, une vieille femme soliloque dans la

nuit: «Délaissée à côté des bicyclettes suspendues/des motos étiquetées en consigne/avec des bagages en tas/en petite vitesse mon âme -moi la très vieille/Iphigénie ! à côté des miroitements pluvieux/très vieille aux mèches de cheveux blancs/les mains vides ! l'âme vide/et la peau élastique/vieille Iphigénie qui tisonne les dernières braises du siècle ["]» C'est ainsi que commence les Emigrants ou Iphigénie devant la gare, poème scénique écrit il y a quelques mois par Bernard Manciet, à la suite d'une commande du metteur en scène Gilbert Tiberghien. Son Iphigénie, Manciet l'a écrite en gascon, comme l'ensemble de son oeuvre, avant de la retraduire en français. En V.O. ou non, la langue de Manciet est proprement soufflante: concrète et obscure, faite d'incessantes allées et venues entre la géographie locale ­ «La lune aussi s'en va découcher à Bègles» ­ et la mer, le ciel ou le cosmos.

Figure de mort. L'Iphigénie de Manciet n'est pas l'innocente sacrifiée par son père Agamemnon, mais celle qui, enlevée in extremis par Artémis et envoyée en Tauride, s'employait à massacrer tous les étrangers qui y accostaient. Figure de mort postée devant la gare de Bordeaux, elle est la déclencheuse de catastrophes, la mémoire de tous les exils tragiques, et singulièrement des convois de la dernière guerre. Mais elle est aussi une misérable carcasse à bout de haine, que son frère Oreste entraînera avec lui. Les personnages ne sont