La sortie de Princesse Mononoké d'Hayao Miyazaki doit être saluée
comme un événement. On avait fini par croire que Disney ne s'était porté acquéreur des droits de distribution internationale du film que pour mieux l'enfermer jalousement dans un tiroir. En effet, présenté au Festival de Berlin en 1998, ce dessin animé étourdissant ayant battu des records d'affluence au Japon (juste après Titanic) fut pendant deux ans régulièrement programmé et déprogrammé, sans nul doute pour ne pas faire de l'ombre aux nouveautés des studios Disney mais aussi en raison de la spécificité du film, qui ne s'adresse pas précisément, ou pas premièrement, aux enfants, ni même d'ailleurs aux ados mangaphiles. Le film a fini par atteindre les écrans américains, en version doublée sous l'étiquette «indé» Miramax, filiale de Disney, preuve que ce bébé monstre a donné des kilomètres de fil à retordre aux décideurs de la firme américaine, qui se sont longtemps consultés sur son créneau de viabilité hors de son pays d'origine.
Gaze translucide. Il est vrai que Princesse Mononoké a souvent été décrit comme le prolongement animé des grands films épiques de Kurosawa. Miyazaki, du moins, se réfère explicitement au genre du mélodrame historique, le Jidaigeki, dont il a cherché à renouveler et à moderniser les codes en jouant au maximum des moyens quasi illimités qu'offre le graphisme. Le film mêle des éléments historiques précis (sur l'ère Muromachi, au XVIe siècle) et la fantasmagorie la plus débridée (d'inspi