Menu
Libération
Critique

Liens de sang

Article réservé aux abonnés
Pedro Costa signait en 1989 un film-parricide lyrique et vertigineux.
publié le 12 janvier 2000 à 22h01
(mis à jour le 12 janvier 2000 à 22h01)

Déjà ancien (il date de 1989) quoique intemporel, d'une esthétique datable (la postmodernité des années 80 dans sa version charismatique, sans grandiloquence) mais rarement dépassée, le Sang est le premier des trois opus du Portugais vénéneux Pedro Costa. Il y eut depuis Casa de Lava (1994) et Ossos (1998), il y aura bientôt Dans la chambre de Vanda et un portrait des Straub pour Arte (lire Libération du 8 décembre).

Réputé pour sa splendeur et sa rage, O Sangue est l'acte de naissance d'un cinéaste qui parle aujourd'hui encore de sa panique au moment de tourner, par refus d'un quelconque pouvoir sur ce qu'il capte: à quoi pouvaient donc ressembler les premiers plans de celui qui aura fait de l'ascendance impossible sa vertu: à une boule d'angoisse? A un coup de sang? A une libération? A un merveilleux parricide, surtout.

Deux frères, Vicente (17 ans, l'angélique Pedro Hestnes) et Nino, 10 ans, partagent avec une fille sensuelle (sombre Inès Medeiros, moulée de blanc, ce qui ne trompe personne) le secret de la disparition de leur père, mystérieusement évidé du film et de leur vie, comme un encombrant colis ­ ce qui est dans l'ordre du désordre des choses, lorsqu'on est déjà un enfant trop mûr, trop vite grandi, déjà prêt à se perdre. Friche. Cette histoire d'enfant rendu au monde confirme qu'à l'instar de Léos Carax (Mauvais Sang?), Costa n'en finit pas de livrer son premier film, c'est-à-dire de liquider ses géniteurs, ses maîtres anciens. Il met en jeu sa propre émancipatio