Trois ans après avoir fait l'événement à Lyon, une fameuse
production du Doktor Faust de Busoni arrive au Châtelet, signée Pierre Strosser pour la mise en scène et Kent Nagano pour la direction d'orchestre. Peu connaissent cet ovni polystylistique avant la lettre, requérant une virtuosité de soliste de quasiment tous les pupitres, et une sophistication de la conception qui rende justice au mélange des cultures dont l'auteur est le produit: enfance en Italie, Conservatoire de Leipzig, leçons de piano à Helsinki, tout en jouant avec le Boston Symphony Orchestra, avant de faire des transcriptions de Bach, d'enseigner la musique à Kurt Weill, et préfigurer la révolution sérielle.
oeuvre complexe. Depuis une mise en scène électrochoc de Peter Mussbach à Salzbourg, on sait que le Doktor Faust de Busoni est une oeuvre complexe et fascinante. Pierre Strosser, est sensible à la solitude existentielle de l'individu, comme le rappelait récemment son Wozzeck se noyant dans une flaque d'eau à Bastille, pas à la folie ou à la tonalité spirituelle des artistes prêts à payer de leur sang leur transfiguration magique. Sauf que le texte de Busoni, assemblage disparate de narration, dialogues, interrogations et visions appartenant à des registres différents, ne se prête pas à une lecture homogène, appelant au contraire l'éruption, une plongée dans la psyché fragmentée du héros ou de l'auteur. Ce que Chéreau avait réussi avec son Wozzeck mental et Peter Mussbach avec son propre Doktor Faust à Sa