Il y a deux manières de se rendre à Tammay al-Zahayra. La première, cartésienne, consiste à se munir d'une carte, à aller en voiture jusqu'à Mansoura et de là à se rendre à Simbalawein, longer les immeubles lépreux et prendre la première à gauche. Trois kilomètres et une dizaine de nids de poule plus loin, on est arrivé. Au milieu de ce grand nulle part qu'est le delta du Nil: une marqueterie irrégulière de champs microscopiques, de fours à brique surmontés de hautes cheminées, de canaux paresseux, de chemins poussiéreux, d'hommes et de bêtes harassés par le labeur, la chaleur. L'autre façon de trouver son chemin revient à demander aux paysans à chaque croisement (et ils sont nombreux, les premiers comme les seconds) «le village d'Oum Kalsoum». Le trajet le plus court n'est pas celui que l'on croit, cela dépend des rencontres mais, dans le deuxième cas, on est sûr de ne pas perdre son temps. Aux amoureux de la raison, on laissera les cartes et leurs certitudes pour lui préférer la raison des amoureux.
Rien à l'entrée de Tammay al-Zahayra n'indique qu'ici est née l'Etoile de l'Orient, l'une des plus grandes voix du XXe siècle, celle qui, plus que toutes les utopies politiques, a incarné une unité des Arabes. Ici règne la même misère qu'ailleurs, la même que naguère, les mêmes champs de coton où les gosses s'arrachent les mains chaque automne en s'égosillant pour se donner du coeur à l'ouvrage. Un canal boueux envahi par les jacinthes d'eau, une rue principale avec tout ce qu'i