Monté en France pour la première fois, la Guerre et la Paix de
Prokofiev est un événement: avec ses 700 costumes, 450 perruques, 66 rôles de solistes, effets spéciaux de choc chaque représentation coûte un million de francs , l'Opéra de Paris ridiculise les shows de Michael Jackson.
Sans temps mort. Francesca Zambello, metteur en scène rarement célébré dans ces colonnes pour sa finesse ou son originalité, demeure imbattable dès qu'il s'agit d'utiliser la machinerie de Bastille. Et le spectacle vaut autant pour la distribution russe éclatante du niveau de celle enregistrée par Valery Gergiev pour Philips que pour sa capacité à animer le plateau pendant trois heures et demie avec pour seul baisser de rideau, celui de l'entracte.
On n'en voudra pas à Gary Bertini d'avoir élagué d'une trentaine de minutes la partition de quatre heures après tout, on ne donne mondialement qu'une version réduite de la Carmen de Bizet. Passons aussi sur les décalages. On l'aurait juste aimé plus concerné par la ferveur romantique et la puissance tellurique requise de l'orchestre. Le rideau s'ouvre sur le Moscou paisible des amours de Natacha et du prince André, contrariées par les intrigues de la noblesse locale. On est aussitôt happé par la richesse du timbre et le legato du baryton Nathan Gunn, et le cristal frémissant d'Olga Gouriakova, évoquant la Tatiana d'Eugène Onéguine. Etre choqué de ce néoclassicisme tchaïkovskien serait oublier que l'avant-gardiste exilé en Occident, était finaleme