On croit toujours, avec une naïveté insupportable à laquelle on est pourtant accroché, que les Cygnes vont définitivement se noyer dans le Sturm und Drang romantique. Mais ces bêtes-là, anthropomorphiques à souhait, qui ont défié bien des chasseurs, ont la vie dure. On a toujours espéré une version qui aurait pu les plumer et celle «cuba libre» d'Alicia Alonso (en 1998 au théâtre des Champs-Elysées) a bien failli nous rendre service. Mais non, depuis 1877, ils sont encore là, après les versions freudienne de Rudolf Noureev, psychanalytique de Mats Ek, exclusivement masculine de l'Anglais Matthew Bourne. Quant à celle de l'Américain John Neumeier, à la tête du Ballet de Hambourg depuis 1973, elle ne fait que raviver notre ravissement.
Plus sombre
Créé en 1976 John Neumeier fut l'un des premiers à revisiter le répertoire , ce Lac des cygnes, sous-titré Illusions-comme un Lac des cygnes, transpose la féerie de Petipa et Ivanov dans les châteaux de Louis II de Bavière, roi fou qui fit de la symbolique du cygne une obsession et qui mourut noyé dans le lac de sa désespérance. Inutile de dire que cela assombrit sérieusement le propos. Le chorégraphe a créé des passerelles tout à fait pertinentes entre le prince Siegfried du ballet, Louis II et Tchaïkovski qui composa la musique du ballet, homme tourmenté par son homosexualité, fuyant lui aussi la réalité. Neumeier a écrit ces circulations de l'un à l'autre sans que jamais cela ne crée de lourdeurs, s'appuyant, avec le scénographe Jürgen Rose