Le cinéma français est réputé avoir les idées larges, mais il n'a
pas été fichu, pourtant, de faire une place convenable à l'encombrant Brisseau. En plus de vingt-cinq ans d'activité, ce cinéaste considérable n'a tourné que huit films, rarement visibles pour la plupart, dont un seul succès, Noce blanche, par lequel Vanessa Paradis naquit au cinéma.
Tête de mule. Si Brisseau embarrasse, c'est aussi sa faute. L'homme, paraît-il, fait partie de ces créatures orgueilleuses et compliquées dont le cinéma n'a jamais été avare. Il aurait, après d'autres, terrorisé nombre d'acteurs, envoyé paître ses techniciens ou empoisonné la vie de ses producteurs, et sa tête de mule fameuse a fini par ne plus revenir à personne. Bref, Brisseau serait indéfendable et, à certains égards, c'est peut-être vrai. Il faut pourtant le défendre: son dernier film est éblouissant.
Au risque de surprendre, il convient de dire avant tout que les Savates du bon Dieu sont un grand mélo parfaitement canonique, aussi triste qu'un Sirk et aussi optimiste, malgré tout, qu'un Capra. Le film nous raconte la vie de Fred et Elodie, jeunes époux prolétaires de la banlieue de Saint-Etienne. Ils sont tous les deux splendides, et Brisseau ne se prive pas de les filmer en vues pastorales, charnelles et bucoliques à la fois, dans l'extraordinaire beauté de leur jeunesse amoureuse (dans les rôles, Stanislas Merhar et Coralie Revel sont magnifiques). Mais Fred, mécano, est ce qu'on appelle un panier percé. Il distribue le peu d'