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Libération

Dans la tradition des mouvements noirs. Depuis le début du siècle, musique rime avec politique.

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publié le 10 mars 2000 à 22h57

La rumeur dit qu'à la nouvelle du putsch militaire, l'ex-président

ivoirien Henri Konan Bédié répondit qu'il allait envoyer le colonel Mathias Doué, très aimé du contingent, parler à la télé (1). «Mais nous n'avons plus de télé», auraient répondu, piteux, ses conseillers. «A la radio alors!» ­ «Elle est tombée aussi"» Il ne restait plus à Bédié, continue la légende, qu'à se diriger vers le souterrain qui relie l'ancienne résidence d'Houphouët-Boigny à celle de l'ambassadeur de France" Apparemment, il est plus facile en Afrique d'empêcher un Président de s'exprimer qu'un musicien. Depuis que la cassette existe, les chanteurs n'ont plus besoin de chanter pour les riches, et ne craignent plus la censure des radios: dans la plupart des cas, elle dope plutôt leurs ventes. Cette indépendance économique a permis à Fela de mener des attaques fulgurantes contre le pouvoir nigérian, de dévoiler les magouilles et la corruption, souvent au risque de sa vie.

Outil de décryptage. Le reggae, comme l'afro-beat, remonte à la tradition des mouvements noirs du début du XXe siècle, et épouse leur souci d'éduquer. Les rebelles noirs de Jamaïque, issus d'un monde privé d'information, d'éducation et de repères, font depuis un siècle feu de tout bois pour s'autoéduquer et comprendre «sur quels ressorts les empires sont assis». Aussi, aujourd'hui, l'imagerie rasta sert-elle à des millions de jeunes à décrypter le fonctionnement du «Babylone» financier, l'hypocrisie des «poli-tricks» ou le «shit-stem»